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PAN! Thé mort.
28 mars 2011

Myopie

 

 

J'ai vu, lorsque j'étais plus jeune, une véritable fée. C'était un point de lumière dont les formes se distinguaient mal, j'entrevoyais vaguement la courbe d'une cuisse, mais ça aurait pu être celle d'une cruche ou d'un bol. C'était un âge ou je voyais bien mieux qu'aujourd'hui, puisqu'aujourd'hui je crois que c'est clair, je ne vois plus rien.

A ce même âge, j'ai vu une sorcière mais là encore je ne distinguais pas son habit ni ses formes, car en vérité lorsque je l'ai vu j'avais les yeux fermés. J'entendais par contre sa voix très disctinctement, un filet crochu de voix pour enfants. C'était sombre et ça faisait peur, ça excitait le plus profond de mes entrailles, ça reveillait déjà des morts à l'époque ou la mort n'était rien qu'une histoire enfermée dans un livre qu'on avait pas encore envie de lire.

Aujourd'hui j'ai vu deux peruches, couleurs obstinéments criardes, magnifiques, à une distance trop improbable de ma tête, dans un pays aux antipodes de l'exotisme. On peut encore se faire surprendre. En scindant une orange en deux le matin, à se mettre à la place d'un pepin dont l'univers n'a toujours été que la pulpe et le zeste, et qui sous l'effet du couteau se voit affablée de lumière crue, de meubles de cuisine, de machins et de trucs éléctroniques, à se mettre à la place d'un pépin qui part en tourbillon dans le trou d'un evier qu'il n'oserait même pas esperer boucher. Je me demande, honnêtement, combien peut-il y avoir d'univers? Combien d'infinités d'infini? Et la perspective que cet univers, le mien, si concret depuis la nuit des temps, si obstinément toujours le même, puisse un jour se scinder lui même sous la lâme de je ne sais quel couteau cosmique... Cette simple perspective, et aussi un peu les perruches, aujourd'hui, m'ont redonné des yeux.

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