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PAN! Thé mort.
26 février 2010

Avec eux, le réel prend une dimension

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Avec eux, le réel prend une dimension intéressante, qui donne envie de raconter la vie comme elle est, même les silences et les trucs ordinaires se parent d'une douceur presque familliale. Il est tôt et j'ai choisi d'être en retard, de fumer une autre cigarette. Je crois que j'aime ces moments charniers ou l'on peut faire l'état des lieux de sa propre vie. Un ballon d'hélium dégonflé et frippé se promène dans le grand salon, vestige d'aventure pacotille, et le canapé qui dégeule un peu ses souvenirs. J'ai choisi d'être en retard, la maison est vide, je crois que tout le monde y dort, ça semble être le moment idéal pour un bilan succin et une deuxième roulée. Ces derniers jours ont été brouillés de l'intérieur, mes sensations ont le goût du trop cuit, le goût de l'oubli dans le four et d'une fumée épaisse. Aujourd'hui est une fin de cycle.

Je n'avais peut-être pas mesuré l'ampleur des chances que j'avais dans les mains, et à quel point les murs étaient beaux, à quel point la vie était saine derrière la porte bleue. Maintenant je dois encore ranger ma vie dans des cartons baillonnés de gros scotch, si je compte j'en déduis que c'est la douzième fois depuis ma naissance, ainsi au lieu d'euphorie ou de panique je ne ressens que l'ennui routinier de ceux qui ne tiennent pas en place. Seulement cette fois c'est un peu différent.

Je me permet de faire le point ici, sans chercher à interesser qui que ce soit j'essaye simplement de mettre à plat des choses volumineuses, des pop-up d'existence si on veut. Il est vraiment tôt. Le pirate est enroulé sous la couette, ses paupières frétillent, son corps est sculpté dans un bloc de logique implacable et de colère puissante, ses battements de coeur tiennent fermement leur drapeau de douceur et de paix au milieu des tempètes que peut créer la circulation de son sang fougeux dans ses veines sereines. J'ai un sourire en coin qui se creuse en souvenir, la théière est bien calme dans sa cage d'ossature et d'entrailles, elle me murmure de rester libre et d'écouter le vent, pour lui, pour les jours à venir, pour une vie qui se renouvelle sans cesse et sans regrets. Je sens les rouages endormis d'une machine d'existence qui dans mon ventre rond se remet en action.

Je suis ce pirate amoureux qui garde une dent contre l'amour, et je suis le poète maudit qui ne fait pas exprés. Je suis difficilement sociale, difficilement heureuse, présente à demi mot, je suis le compère eternel d'une mélancolie naturelle et je ne suis pas sure d'avoir envie de changer ça. Milo m'a expliqué qu'il voyait le réel comme un éléphant majestueux et maladroit, qui écrase un royaume entier lorsqu'il tente juste de faire un pas. Il me dit, c'est un éléphant blanc au regard laiteux et suave, qui danse lentement sur ses pattes, et il me dit, un jour, nos pirates s'armeront de leurs flèches les plus puissantes et de leurs révolvers à vapeur pour attaquer la bète, pour que son corps lourd et maladroit s'éffondre sur lui-même et ne laisse plus de place qu'au non-être et à ses subtilités féériques. Seulement, je ne suis pas sure de vouloir tuer mentalement cet animal silencieux et mystérieux, qui tant de fois, m'a rendu folle. J'ai presque l'impression de l'aimer chaque jour un peu plus.

Le bilan est succin. Si je m'obstine encore quelques mois je pourrais réaliser ce rêve absurde de l'écriture d'un livre, et si je dois choisir j'aimerai mourir avec ce livre entre les mains. L'ennui c'est que le temps passe sans scrupules, dans quelques jours je m'installerai dans une solitude sans nom et c'est vrai que je compte énormément sur elle pour me pousser au paroxysme des mots démoniaques qui savent occuper une âme ésseulée. Tout le monde va partir, puisqu'on est bons qu'à ça et puisque rien ne nous retient, tout le monde va partir. J'ai tous ces livres auprés de moi qui me tiennent chaud et qui m'écoutent quand j'ai un mot à dire. Fascinée par les auteurs et par le pouvoir qu'ils se partagent, je salive à l'idée du verbe et je frissonne à l'odeur d'un mot neuf et bien lisse.

Mes souvenirs sont des goules édentées qui me courrent sur le corps, certains se sont perdus dans le néant alors qu'à une époque ils semblaient être un tout, les voilà devenu la quintescence du rien. Pourtant monsieur, je vous assure, que je sais la valeur qu'on peut donner aux gens, et que je sais du coeur qu'il nous déçoit souvent.

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